Transfert d’entreprise agricole et relève : une retraite sur la paille?

Depuis quelques années, j’assiste à un phénomène des plus préoccupants. Certains jeunes de la relève ne cessent de s’endetter au détriment de leurs parents. Les parents sont inquiets pour leur retraite et l’avenir de l’entreprise. Malgré le fait que ceux-ci se soient privés toute leur vie, certains retraités goûteront à une retraite plutôt maigre.

« On est inquiet pour notre retraite et pour l’avenir de la ferme. On s’est privé toute notre vie et les jeunes eux en profitent au maximum. » C.R.

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Deux styles de parents dans l’entreprise familiale

Les parents « Non à tout prix! »

Nous savons que les comportements extrêmes sont habituellement à éviter. D’un côté, j’observe des parents qui tentent de tout contrôler, laissant peu d’autonomie à leur relève. Ainsi, les jeunes développent moins de compétences de gestion et douteront également de leurs capacités à gérer. Malheureusement, certains « jeunes » de 38 ans répondent plutôt au profil d’un employé que d’une relève. Résultat : une relève très mal outillée en gestion d’entreprise ou le départ de celle-ci.

Les parents « Oui à tout prix! »

De l’autre côté, je vois des parents qui délèguent tout. Ils ont entendu dire qu’il est préférable que leur relève prenne beaucoup de décisions, et ce, très jeune. Ils croient que leurs enfants apprendront mieux ainsi. Désireux de les laisser libres et de les rendre autonomes, ils ont appliqué le principe de responsabilisation sans aucune nuance. Résultat : des jeunes qui n’ont aucune limite, aucun cadre et aucune conséquence de leurs décisions. Cela amène, dans plusieurs cas, l’entreprise en grande difficulté voir à la faillite.

L’importance d’imposer des limites

Plusieurs enfants, devenus adultes, n’ont pas eu suffisamment de limites. Ils n’ont pas entendu assez de « non ». Ils n’ont pas su développer une des compétences pour le bonheur et le succès dans la vie : l’autorégulation.

L’autorégulation est la capacité à s’imposer des limites, à freiner nos pulsions, à retarder le plaisir ou encore à s’en priver tout court. C’est cette petite voix dans notre tête qui nous pousse à persévérer et à compléter une tâche malgré l’ennui, l’anxiété ou la difficulté. C’est elle qui nous met au lit à 21h30 plutôt que d’être sur Facebook jusqu’aux petites heures du matin. Finalement, c’est l’autorégulation qui nous arrête face à l’achat de ce nouveau tracteur ou de cette grosse camionnette qui n’est pas justifiable d’un point de vue économique. Mises bout à bout, ces microdécisions pourront faire la différence entre une entreprise prospère et une en difficulté.

L’autorégulation avant l’estime de soi

Selon le psychologue Roy Baumeister, l’ensemble des problématiques telles que la consommation excessive d’alcool ou de drogue, l’endettement, l’agressivité démesurée et incontrôlable, la procrastination chronique sont davantage liés à un manque d’autorégulation qu’à une faible estime de soi. L’estime de soi est nécessaire, mais non suffisante pour la réussite et le bonheur. De plus, une forte estime de soi, sans autorégulation, cause plus de ravages que de bien. Celui qui s’achète ce qu’il « mérite », et non ce que son portefeuille peut se permettre, en est un bon exemple.

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Sans autodiscipline, le transfert d’entreprise agricole s’avère dangereux

Ainsi, si plusieurs signes d’un manque d’autorégulation sont présents chez une relève, inutile de rêver. Un transfert d’entreprise agricole dans ces conditions risque de mener tôt ou tard à une faillite. La pensée magique que le jeune de 28 ans va changer pourrait nuire à la survie de l’entreprise. On doit remettre en question la culture d’une relève à tout prix et être plus lucide. Certains ne sont pas équipés pour gérer une entreprise, ils sont équipés pour la dilapider.

Il n’est pas normal de voir des parents de 60 ans, ne plus dormir, car ils ont peur de tout perdre. Alors quand on n’arrive plus à dormir, c’est parfois un signe qu’il faut se réveiller.

Quand on n’arrive plus à dormir, c’est parfois un signe qu’il faut se réveiller.

À propos de l’auteure

Pierrette Desrosiers est psychologue du travail, conférencièreformatrice et coach d’affaires depuis plus de 20 ans. Elle est spécialiste des entreprises familiales et accompagne plusieurs entreprises dans le transfert d’entreprise agricole.

Dans sa boutique, elle offre des outils sur pour le développement de l’intelligence émotionnelle pour les individus ou les entreprises.

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