Parfois, la ténacité devient de l’acharnement. Il faut savoir sortir d’une situation avant qu’il ne soit trop tard.
« Ça fait des années que mon père me promet de me transférer l’entreprise. Il me dit d’être patient, qu’un jour je serai récompensé pour le travail que j’ai fait. Ma conjointe me dit que je me fais abuser. J’ai 37 ans, j’ai trois enfants, encore seulement 20 % des actions et aucun pouvoir décisionnel. J’ai besoin d’assurer mon avenir et celui de ma famille. Je gagne 200 $ par semaine. Nous vivons avec le salaire de ma conjointe. »
Lorsque j’ai rencontré Sylvain et sa conjointe, il était clair que la situation ne pouvait plus durer. Les deux étaient découragés et déprimés. Des années d’abus, de manipulation, de promesses non tenues venant des parents. De plus, des conditions misérables étaient en train d’user la santé physique et psychologique de Sylvain, et le couple commençait à battre de l’aile.
« Comment pouvez-vous nous aider, madame Desrosiers ? » m’ont-ils demandé en espérant que j’allais leur offrir une solution miracle.
J’ai donc posé quelques questions :
1. Que voulez-vous exactement ?
« Posséder et travailler ensemble sur l’entreprise. Ne plus subir et endurer la pression psychologique des parents, spécialement de mon père. On voudrait prendre des congés à l’occasion. »
2. Comment expliquez-vous que vous en êtes arrivés là ?
« Chaque fois que j’ai demandé un congé seulement pour une traite, ce fut un drame, suivi d’une période de “boudage” pour des semaines. La même chose quand j’aborde la question de transfert. Je me suis donc résigné à obéir au doigt et à l’œil à mon père afin d’éviter les conflits. »
3. Qu’avez-vous fait jusqu’à maintenant pour changer la situation ?
« On a tenté à maintes reprises d’expliquer notre point de vue aux parents. Nous avons même dit que nous allions quitter l’entreprise, mais ils ne nous croient pas. Nous avons pleuré, crié. Nous avons demandé à quelques professionnels de leur faire entendre raison. En vain. Rien n’a changé. Mes parents font des promesses quant au transfert, qu’ils ne tiennent pas. De plus, mon père nie complètement qu’il est violent, dénigrant, manipulateur. Pour lui, c’est moi, son fils qui est trop “moumoune”. Il me traite de tous les noms, me ridiculise en public. »
4. Quelle importance accordez-vous à vos objectifs ? Quel prix êtes-vous prêts à payer ?
« C’est maintenant une question de survie. S’ils ne partent pas, ne veulent pas transférer, nous allons quitter l’entreprise. Si je ne fais rien, c’est ma conjointe que je vais perdre, en plus de ma santé mentale. Je me lève le matin et j’ai mal au cœur d’aller traire les vaches. Pourtant, j’ai toujours aimé ce métier. »
J’ai dû annoncer à ce couple que, malheureusement, je ne faisais pas de miracle. Ce que je pouvais faire, c’était de m’assurer qu’ils exprimaient clairement leurs attentes aux parents, ainsi que les conséquences si leurs attentes n’étaient pas satisfaites. Par la suite, je pourrais les accompagner à accepter et vivre avec les conséquences et à se réorganiser. Mais ils devront faire des deuils. Faire le deuil d’une entreprise dont ils avaient tant rêvé, faire le deuil d’une relation saine avec les parents.
Pourquoi cette solution ? Parce que Sylvain et sa conjointe n’ont pas le contrôle sur ce que les parents décideront de faire quant à la vente de l’entreprise. Il est très peu probable que le père changera : ses crises de colère, sa manipulation, sa violence psychologique sont des symptômes importants de santé mentale défaillante qui ne se guérissent pas par magie.
Les 7 questions à se poser
Dans toute situation ou relation où vous vous sentez pris en otage, vous devez vous poser les questions suivantes :
1. Qu’est-ce que je veux vraiment et, parallèlement, qu’est-ce que je ne veux plus ?
2. Qu’est-ce qui m’appartient, qu’est-ce qui appartient à l’autre, et qu’est-ce qui appartient à notre relation ?
3. Quelles sont mes zones de pouvoir, mes zones d’influence et mes zones d’impuissance ?
4. Quelles sont les conséquences possibles du dénouement ?
5. Suis-je prêt à vivre avec les conséquences ? Ou quel prix suis-je prêt à payer pour obtenir ce que je veux ?
6. Comment puis-je me préparer au pire ?
7. Quelles sont les ressources dont j’aurai besoin pour atteindre mes objectifs ?
Malheureusement, il y a des situations de vie où l’on doit changer nos objectifs. Il y a des facteurs externes sur lesquels nous n’avons aucun pouvoir ou d’influence. Il n’y a que sur nos actions et nos paroles que nous avons le contrôle. Réaliser cela peut nous redonner beaucoup d’espoir. Et, comme un sage a déjà dit : « Lorsque tu t’aperçois que ton cheval est mort, il est temps d’en débarquer. »
par Pierrette Desrosiers, M.Ps, psychologue du travail, conférencière, coach d’affaires
Pour communiquer avec Pierrette Desrosiers: pierrette@pierrettedesrosiers.com