Depuis quelque temps, on cherche qui est coupable  de la situation actuelle en agriculture. Or, il faut se  rappeler que l’on est le dernier à prendre les décisions dans nos vies au quotidien.

« C’est tellement gros ma business ! Je pensais que j’aurais beaucoup moins de problèmes en prenant autant d’expansion. En fait, je n’en ai jamais eu autant. » Paul est désemparé. Il ne sait plus où donner de la tête. Il a l’impression d’être dépassé par sa « trop » grosse ferme laitière. En fait, il est au bord du désespoir. Pourquoi Paul a-t-il développé une entreprise de cette envergure ? Qu’est-ce qui l’a motivé ?

Est-ce la faute de la mondialisation ? Est-ce la faute des Américains et de leur modèle ? Est-ce la faute de tous ces agronomes lors de conférences qui lui ont « brassé » le cerveau avec leur : « si vous ne grossissez pas, vous allez mourir » ?

Peut-être est-ce plutôt à cause de ses trois voisins, qui ont construit des silos bleus, des étables à stabulation libre et de beaux robots de traite. Que dire ensuite de tous ces représentants qui arrivent chez Paul avec leurs belles revues, leurs beaux exemples de réussite, leurs beaux témoignages de clients… de quoi faire rêver même le plus petit des agriculteurs.

Ou encore du conseiller en gestion, qui avait tout calculé et qui, à la cenne près, avait démontré à Paul la rentabilité de ses grands projets. Mais peut-être est-ce la faute des prêteurs. « Ah ! Eux autres, ils avaient la gâchette facile pour les prêts », comme disait Paul. Ils se bousculaient pour lui prêter des centaines de milliers de dollars, pas de problèmes, Paul avait beaucoup de garanties. Et si les institutions financières étaient prêtes à investir, c’était sûrement parce que les projets de Paul étaient rentables, non ?

Il faut dire que la femme de Paul n’a pas supporté celui-ci comme elle aurait pu. Si elle avait été plus présente, plus compréhensive, plus travaillante, plus économe…Et que dire de ses trois grands fils, bâtis pour travailler comme des bœufs, mais parfois lâches comme des ânes. Paul avait des rêves pour eux autres, il a tout développé pour eux, pour que ce soit facile, pour qu’ils ne vivent pas dans la misère. Mais que voulez-vous : les jeunes aujourd’hui…

Enfin, il y a eu aussi le prix du quota. Si cela n’avait pas été des autres qui ont spéculé, qui ont acheté ou vendu trop cher, Paul n’aurait pas eu à s’endetter et ne serait pas obligé de continuer d’acheter encore du quota hors de prix.

Et après, bien sûr, il y a eu la vache folle, cette folie qui a fait perdre à Paul tellement d’argent. Bref, Paul en a gros sur le cœur.

Depuis quelque temps, on tente de « spéculer » sur le ou les grands coupables de la situation en agriculture. Chacun se renvoie la balle. Plusieurs facteurs externes ont contribué, ont influé et continueront d’influer sur nos décisions. Ces facteurs économiques, politiques, sociaux, démographiques et environnementaux sont là, et probablement pour longtemps.

Mais, au bout du compte, il faut se rappeler que nous sommes le dernier à prendre les décisions dans nos vies au quotidien. Le plus grand drame, c’est que pour plusieurs entrepreneurs, ce qui au bout du compte les influencera le plus, ce sont leurs motivations inconscientes, leurs blessures, leurs rancunes ou leurs peurs.

Un entrepreneur me disait avec la plus grande des sagesses à la suite d’une longue démarche personnelle : « Je crois foncièrement que derrière tout grand entrepreneur il y a de grandes souffrances. » Il savait de quoi il parlait. Cet homme a développé une entreprise estimée à plusieurs dizaines de millions de dollars en étant motivé par la rage, la vengeance et la honte. Et c’est à travers ces mêmes filtres que plusieurs choisiront telles ou telles informations pour prendre leurs décisions.

Par exemple :

Si j’ai un énorme besoin de reconnaissance parce que mon père m’a toujours dit que j’étais un raté, il se peut que j’aie envie de croire que seulement les producteurs à 100 vaches et plus ont de l’avenir.

Si j’ai vécu dans la honte de la pauvreté, il se peut que je sois aveuglé par l’idée de devenir très riche ou du moins que les autres le croient. Il se peut donc que je me laisse davantage tenter par le gros tracteur ou le rutilant salon de traite.

Si je suis envahi par la vengeance ou la colère, il se peut qu’il n’y ait pas de prix pour la terre du voisin.

Donc, lorsque l’on sait ce que l’on veut, la plus grande des questions que l’on devrait se poser par la suite est « pourquoi » ?

 

Il a y deux motivations de réussite :

 

  1. Le désir de réussite : devenir la meilleure personne que je puisse devenir ; me développer à mon plein potentiel en harmonie avec mes forces, mes limites, ma réalité et mon environnement.

 

  1. La peur de l’échec : elle provient des souffrances que l’on a vécues et elle se manifeste par la colère, la rage, la honte, le besoin d’être reconnu, le désir de se venger ou de prouver aux autres que l’on est quelqu’un.

Plusieurs entreprises dans tous les domaines, plusieurs cadres de haut niveau et plusieurs professionnels « réussissent » grâce à cette motivation. Toutefois, ce « succès » est éphémère et n’apporte qu’une satisfaction de courte durée. Il n’est en aucun cas synonyme de bonheur.

Les décisions d’affaires basées sur la peur de l’échec sont de très mauvaises conseillères. Elles ont entraîné des choix irrationnels, des choix aveugles qui n’ont pas su tenir compte de la réalité.

Le grand philosophe grec Socrate disait déjà il y plus de 2000 ans : « Connais-toi toi-même ». En ce temps-là, un dieu était responsable de tous les événements, heureux ou malheureux. Les hommes oubliaient de se mettre en cause. Et vous, vous connaissez-vous vraiment ?

Vous avez des commentaires ou des suggestions ? N’hésitez pas à communiquer avec Pierrette Desrosiers.

par PIERRETTE DESROSIERS, M. Ps., 

Psychologue du travail, conférencière, coach d’affaires   

pierrette@pierrettedesrosiers.com