Cette dépendance présente une grande similitude avec d’autres dépendances connues comme celles à l’alcool, au jeu et à la drogue.

Jean-Claude peut parler de la pluie et du beau temps. Toutefois, dès que l’on aborde certains sujets, il se transforme en incroyable Hulk. En fait, le gouvernement, son association locale, le professeur de son enfant, son frère et surtout sa belle-sœur déclenchent chez lui une colère excessive, démesurée et imprévisible.

« Tantôt il est de bonne humeur, et la minute d’après il n’est plus parlable. » « Il en veut à plein de gens pour des détails qui sont chose du passé, il reparle sans cesse des mêmes histoires. » « On dirait qu’il aime cela entretenir les problèmes. » « Ce n’est plus vivable pour personne. »

Jean-Claude souffre d’une dépendance à la rage, il est « rageaholique ». Un dépendant à la rage est une personne qui devient excitée par des actes de colère (paroles ou gestes) ou une personne qui se met en colère avec peu ou pas de provocation.

L’expérience de la rage déclenche des réactions neurochimiques qui entraînent une dépendance. Les symptômes de la dépendance sont très similaires aux symptômes des autres dépendances, comme celles à l’alcool, au jeu et à la drogue.

L’autostimulation : La personne génère ses états de rage, et plus elle s’enrage, plus elle en a besoin (comme la boisson, la drogue et le jeu) pour s’exciter.

La compulsion à agir : Lorsque la tourmente est partie, la personne perd le contrôle et ne peut plus se retenir (en mots ou en gestes), malgré les conséquences négatives pour elle et son milieu (on boit jusqu’à être ivre). Faire une crise devient irrésistible.

L’obsession : La personne pense continuellement à se venger. Elle fantasme sur le malheur des autres. Elle devient obsédée à l’idée de se venger (comme obsédée par le besoin de boire). Quand elle manque d’occasions, elle en provoque.

Le déni : Comme l’alcoolique, la personne niera qu’elle a un problème, car elle a toujours une bonne raison d’être en colère (les autres et la vie sont toujours la cause…). Elle ne prend pas la responsabilité de ses gestes et paroles. En plus, elle banalise ses colères : « c’est eux le problème ; je n’étais pas si fâché que ça ; ils exagèrent ».

Comportements imprévisibles : Quand un alcoolique se met à boire, on ne sait pas quand il va arrêter et ce qu’il peut faire. Même chose pour le dépendant à la rage : ses excès peuvent aller très loin et on ne sait pas où il va s’arrêter.

Période de sevrage et abstinence : Les personnes qui sont en traitement disent se sentir très mal (douleurs physiques et psychologiques). Ils sont en manque, comme pour le sevrage à l’alcool ou à la drogue. Ils ne doivent plus « toucher » à l’expression de colère, ils doivent devenir abstinents, tel un alcoolique qui ne peut pas reprendre quelques bières de temps en temps. Ils doivent apprendre à trouver un autre véhicule pour l’expression de leurs sentiments.

Cette dépendance est loin d’être banale. Pour celui qui la vit, il y a des conséquences physiques, psychologiques, relationnelles et financières : augmentation des problèmes d’hypertension, des maladies coronariennes, maux de tête, insomnie, incapacité de prendre de saines décisions, problèmes légaux, conflits, divorces, mauvaises décisions d’affaires, ruptures d’association, etc.

Le dépendant à la rage fait vivre aussi un enfer à son entourage qui apprend à vivre sous la menace, le chantage et la peur. Ceci, malheureusement, entretient cette dépendance. Comme un autre dépendant, il doit suivre un traitement, il ne peut s’en sortir seul.

Bref, il peut être bon de se mettre en colère, mais encore faut-il se mettre en colère contre la bonne personne, pour la bonne raison, au bon moment, et de la bonne manière. Pas facile l’expression de la colère.

 

par Pierrette Desrosiers, M.Ps, psychologue du travail,

conférencière, coach d’affaires

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